Les Porteurs d’Entropie
Tapis dans l’ombre, l’élu éphémère, le traitre éternel nourrissait ses rancœurs. Tantot glorifié, tantôt honni, quel être sain d’esprit peut se targuer de garder raison quand son esprit est voué à l’humiliation. Car par délà les ères, il était des forces de corruption telles que les mortels vouaient leur destin à la malédiction, à la torture, pour un jour peut être sentir cette puissance exaltante, cet état extatique de domination. Nul ne le savait mieux que lui, le maudit, le béni, le premier des sanctifiés. L’honneur de l’élévation démoniaque lui était échu à jamais en tant que premier prince démon. Bel’akor, ce nom de terreur pour les royaumes mortels. Une ombre perpétuelle, source d’horreur depuis des temps immémoriaux. Mais précisément, depuis longtemps, le monde avait quelque peu oublié ce nom interdit. L’ombre était silencieuse, ourdissant dans les ténèbres son retour glorieux. Dans les tréfonds d’un monde distordu, un trône noir siégeait dans l’obscurité. Le grand escalier qui y menait était occupé par le démon, prit dans un songe lointain. Une assemblée tremblante d’excitation et de peur s’écarta pour laisser la place à un cavalier monté sur un immense cheval. D’une voix sourde, celui-ci prit la parole. -Monseigneur, je viens à votre appel. Nous répondrons à vos requêtes Ô ultime noirceur. Nous avons contacté les corrupteurs Sir. Tout est en place. Un léger rire parvint de la bête courbée sur les marches. - Bien mon cher disciple, reste discret, demeure sournois et cache tes intentions. Respecte les alliances avec déférence, et si ton œuvre me satisfait je te guiderai toi et tes fidèles sur la voie de l’absolu. Car à la fin rien ne sera plus précieux que de s’extraire de cette faiblesse physique. «Eternus», dit il en caressant son visage d’un geste doux, presque affectueux. «Je compte sur toi mon fidèle héraut, va ! collecte des âmes et l’estime des dieux.»